Ces « cabreurs » de vélo de Bouaké qui aspirent à la catégorie Pro

Bouaké360-Bouaké (Côte d’Ivoire)

Leur âge varie entre quatorze et dix-neuf ans, ils ont une passion en commun, le vélo. Cette affection, ils l’ont transformée en une sorte de sport extrême et d’action, où s’entremêlent wheelings (cabrages), courses à fond, pirouettes, ou autres free-styles ainsi que des randonnées à travers la ville. Ils affirment apporter quelque chose d’original dans la pratique du sport cycliste en Côte d’Ivoire et rêvent de passer à la catégorie professionnelle. Bouaké360 est parti à leur découverte.

Bouaké, le dimanche 03 janvier 2021, il est 16h30 mais le ciel reste encore clair avec une forte luminosité. Un vent sec chargé de fines particules de poussières fini par convaincre qu’on est bel et bien en plein harmattan, dans cette deuxième ville du pays, capitale du district de la Vallée du Bandama.

Sur le Boulevard de l’aéroport, depuis le vieux quartier Koko, au centre de la ville, un spectacle se dévoile à l’horizon, sur la pente descendante du plateau, que surplombent le Centre hospitalier universitaire (CHU) et la préfecture de région. Des centaines de cyclistes, qui se suivent les uns les autres, sans se heurter, dégringolent la colline à une allure cadencée comme dans un ballet.         Certains d’entre eux, la roue avant de leurs vélos en l’air, suivent tout de même la mouvance avec la dextérité des grands maitres du Vélo tout terrain (VTT) ou du BMX (Bicycle motocross) américain. Le léger vent d’harmattan qui gonfle le pardessus de quelques uns de ces cyclistes, ajoute un brin de poésie à cette mosaïque en mouvement.

Et quand avance le peloton, alors on se rend compte qu’une bonne partie de la chaussée est occupée par ces jeunes. Ici, en Côte d’Ivoire, dans les grandes agglomérations, il n’existe encore pas de pistes cyclistes exclusives. Il faut donc s’y faire. Heureusement que les dimanches, la circulation est moins dense sur cette route menant à l’hôpital général, à l’aéroport et dans plusieurs quartiers périphériques de Bouaké dont la Zone, l’un des plus grands en terme de superficie et de nombre d’habitants.

Djakaridja Koné alias Djakis le King

« Fort heureusement, depuis 2010 où nous avons lancé ce mouvement, nous n’avons aucun souvenir d’un accident de la circulation impliquant l’un des nôtres lors de nos randonnées ou séances d’entrainements», jure la main sur le cœur, Djakaridja Koné, alias Djakis le King, le leader du groupe. C’est tant mieux pour cette bande de passionnés qui compte, selon son chef, cet ivoirien de 27 ans, près de mille adhérents. Pourtant très peu parmi ces « fous du vélo » portent un casque de protection.

« On sensibilise en ce moment pour cela, pour un équipement complet avec gants, genouillères, coudières et évidemment casque de protection, mais aussi une assurance individuelle», répond formel, le chef de ce club encore dans l’informel.

Ce dimanche, n’est pas un jour d’entrainements, ce qui veut dire que les engins ne seront pas « cabrés » avec ou sans roues avant, « dans des espaces clos ou déserts ». C’est jour de randonnée, donc le programme se limitera au parcours de plusieurs kilomètres à travers la ville, jusqu’à la destination finale, au « Ousmane Boucher ». C’est ce mythique terrain d’entrainement au quartier Kennedy, à l’est de Bouaké qui a révélé au monde, de grands noms du motocross tel que ce fils de Bouaké, Pascal Vigneron.

 « La plupart du temps, surtout les dimanches, et ce depuis un moment, nous assistons le plus souvent à ce genre de spectacle, c’est presque devenu banal pour nous», explique à la va vite, un vendeur du quartier Koko, plutôt occupé à présenter ses derniers arrivages de friperies à un client.

Ces jeunes à vélo, ce sont les « cabreurs » de Bouaké. Pas de conditions particulières pour les suivre dans leur randonnée du jour. Il suffit juste d’avoir un vélocipède, peu importe le style ou la marque. Ici pas besoin forcement d’un VTT ou d’un BMX, excessivement chères pour la bourse de la quasi-totalité de ces gamins, élèves, apprentis artisans ou autres vendeurs ambulants.                                         Les plus chanceux qui ont pu s’offrir un engin approprié l’ont acquis au marché aux puces (France au revoir) où avec une somme allant de 35000 à 50000FCFA, on peut s’offrir un VTT ou un BMX d’occasion.

Un vélo avec ses 2 roues en place et son mécanisme qui fonctionne, qu’on accompagne d’une bonne dose de passion et de cran suffisent pour suivre le peloton dans son tour de la ville.

Salif, 15 ans, est élève, il a rejoint le groupe, il y’a 2 ans, après avoir récupéré une carcasse de vélo à la poubelle, qu’il a façonnée à son gout par la suite, pièce par pièce, avec l’aide d’un ami apprenti mécanicien de moto. L’argent pour la réfection il l’a gagné à la sueur de son front en tant que « pousseur de brouette » (portefaix) au marché, les jours ou il n’ya pas classes.                                              Comme lui, la majorité de ces jeunes adhérents du club de velo de Djakis est issu de milieux défavorisés où on ne peut pas s’offrir le luxe de donner un vélo en cadeau à son enfant.

« C’est un rêve que nous essayons de concrétiser pour ces milliers de jeunes qui nous suivent. Comme moi, ils n’ont qu’une passion dans la vie, c’est faire du vélo et ce rêve nous leur donnons l’occasion d’en réaliser un bout», en attendant la professionnalisation du club, « qui nous permettra de prendre en charge certaines factures inhérentes au quotidien de nos coureurs », répète, perplexe, le King. C’est pourquoi, dira-t-il ensuite « nous appelons les autorités de Bouaké à nous venir en aide afin de pouvoir structurer notre club qui propose quelque chose d’originale dans l’univers du sport cycliste ».

« C’est un mélange de toutes les disciplines reliant le vélo, c’est-a-dire le cyclisme classique, le VTT, le BMX, la randonnée (…) Même si on n’a pas encore trouvé de nom pour cette nouveauté que l’on propose d’abord pour la Côte d’Ivoire et ensuite pour le monde, on est convaincu d’être sur la bonne voie», conclut Djakaridja Koné, alias Djakis le King, avec un regard qui jette des étincelles.  

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